Vanessa

Vanessa est « née en 69 », comme elle dit, soit un an pile après mai 68…  Comme si cette date de naissance avait décidé d’une partie de son destin, celui d’une femme engagée en politique et même élue un temps à la mairie de Paris. Son militantisme au Parti socialiste a débuté durant ses années de fac parisiennes. C’est pour elle un moment d’une grande émulation : elle découvre non seulement la politique, avec ses codes et ses jeux de pouvoir, mais elle noue aussi beaucoup de relations avec des « copains militants » et rencontre celui qui va devenir son mari. Pour cette petite banlieusarde qui a grandi dans le logement de fonction de l’école où sa mère institutrice l’a élevée seule, c’est la découverte d’un nouveau monde.  

Pendant ses premières années de vie professionnelle, elle est embauchée comme fonctionnaire territoriale dans plusieurs collectivités. Elle attache une importance particulière à cet engagement au service des autres et du fonctionnement de la cité. C’est le sens qu’elle donne à son métier, comme à son investissement en politique.  

Mais depuis quelques années, elle a été contrainte de ralentir le rythme du fait de sa maladie. Ils sont venus s’installer avec son mari au milieu des années 2000 à Nantes. Lui est informaticien et travaille en télétravail à domicile, pour pouvoir veiller sur elle et la véhiculer pour les divers rendez-vous médicaux. Mais les grands escaliers qui mènent à l’appartement sont de plus en plus difficiles à gravir pour Vanessa et ils ont acheté sur plan un nouvel appartement plus accessible, qui devrait sortir de terre dans les prochains mois.

Céline

Céline a 29 ans. Elle vit à Nantes depuis un peu plus de deux ans. Comme sa sœur, Axelle, quand on lui demande d’où elle vient, elle a tendance à répondre “de Dunkerque”, sans avoir pour autant envie d’y retourner.  

Son enfance est marquée par la mer, les dunes et les grandes plages du nord. Ses parents habitent une maison dans laquelle ils font au fil du temps de nombreux travaux. C’est même devenu une blague dans la famille, il y a toujours une partie de la maison qui est en chantier.  

Les fêtes, les jeux, les promenades à vélo ou à pied dans les parcs… C’est une enfance remplie d’ami·es et de liberté dont se souvient Céline. Elle a très tôt été poussée à l’autonomie par ses parents. Bonne à l’école sans trop avoir à travailler, elle profite à fond de ses années lycée, dans une classe qui la prépare à passer un bac ES franco-allemand. Encore aujourd’hui, elle garde ce sens de la fête et adore ces moments partagés où l’on pousse les tables pour avoir la place de danser.  

Ne se projetant pas vraiment dans un métier en particulier, Céline opte pour des études généralistes. Elle réussit le concours de Science-Po Lille et intègre la filière franco-allemande. Elle y reste 5 ans, alternant entre un an passé en France et un an en Allemagne. Son master en communication en poche, elle rejoint son compagnon à Paris, d’abord pour un stage puis pour un premier emploi dans un ministère. 

Au fil des années, elle teste ainsi de nombreux collectifs de travail : des institutions d’Etat aux associations, en passant par la mutuelle et la start-up. Si l’appartement qu’elle occupe dans le XVII° arrondissement lui plait, ainsi que la vie de quartier, le rythme parisien cesse assez vite de l’intéresser. Au bout de quatre ans, elle a l’impression de passer son temps dans le métro.  

Céline décide de quitter son emploi et Paris. Avec son compagnon, ils hésitent à revenir dans le Nord, à Lille mais Nantes l’emporte. Un oncle et une tante de Céline y vivent, des ami·es parisiens envisagent également de s’y installer et surtout le littoral n’est pas loin. Le couple emménage en février 2020, quelques semaines avant le premier confinement. Dès que les sorties redeviennent autorisées, ils visitent Nantes à la recherche d’un quartier dans lequel acheter une maison. Ils aimeraient retrouver la vie de quartier qu’ils appréciaient à Paris. Ils trouvent une maison à Chantenay. Mais très vite Céline saisit une opportunité d’emploi à Paris et ils partagent quelques mois leur temps entre Nantes et Paris avant de se réinstaller complètement sur Nantes. 

A 29 ans, Céline a déjà des expériences professionnelles diversifiées à son actif, mais toujours la même question revient : que souhaite-t-elle vraiment faire ? Elle a décidé d’entreprendre cette année un bilan de compétences pour y voir plus clair. Une sorte de point d’étape alors que ses 30 ans se profile à l’horizon, une fête qu’elle compte bien célébrer, pourquoi pas par un beau voyage à l’étranger, à priori dans l’hémisphère nord, au froid plutôt qu’au chaud. 

Lucie

Lucie est née le 25 septembre 1919. Elle a eu 103 ans en septembre.  

Elle a passé son enfance à Somloire, un petit village à la campagne qui à l’époque comptait 900 habitants, situé entre Saumur et Cholet. Elle était la 4e de six enfants, cinq filles et un garçon. Ses parents étaient boulangers, et les filles aidaient à la livraison, le garçon à la fabrication du pain. A 14 ans, ses parents déménagent dans le quartier Chantenay à Nantes et reprennent une boulangerie.  

Elle se marie à 20 ans, juste avant la guerre. Pendant une dizaine d’années, elle vit et travaille Rue de La Paix, son mari était commerçant et propriétaire d’une épicerie-alimentation. Elle divorce après 9 ans de mariage et se remarie avec un artisan coiffeur. Elle se forme auprès de lui et ils s’installent au 90 boulevard Jules Verne, un quartier qui était encore entouré de terres maraîchères. A la retraite, ils vendent le salon de coiffure et la maison et vont s’installer à Joué-sur-Erdre, au bord de l’étang de Vioreau. Son mari aimait la pèche et ils jouaient ensemble au scrabble. Elle aimait bien aussi faire des tapisseries en broderie. Ils ont gagné plusieurs années de suite le concours des jardins fleuris.  

Après une quinzaine d’années, ils déménagent dans un petit appartement à Nantes. Après le décès de son mari, elle emménage dans une résidence autonomie, toujours à Nantes. Elle y est depuis 22 ans, elle s’y plait beaucoup. Elle aime le grand parc qui entoure la résidence et entendre les oiseaux par sa fenêtre.  
Elle est très élégante, habillée en tailleur et avec de petits talons. Elle fait sa mise en pli tous les quinze jours et se rend chez le coiffeur pour sa permanente. Elle fêtera son 103eme anniversaire fin septembre. 

Lorsqu’on lui demande ce qui va compter pour elle cette année, Lucie répond qu’elle espère pouvoir rester à la résidence autonomie. Elle craint beaucoup qu’un problème de santé la conduise à l’hôpital puis en EHPAD. Pour elle, ce serait la fin de la manière dont elle souhaite habiter, entourée mais dans un chez soi. Lucie est convaincue qu’aller en EHPAD ce serait complètement renoncer à son intimité.  

Maëlle

Maëlle est née à Versailles, mais est arrivée à Nantes à l’âge de deux ans. Ses souvenirs d’enfance sont heureux, passés dehors, à jouer avec les enfants du quartier à Chantenay. Elle a aussi des souvenirs émus de la maison de sa grand-mère, au bord de la plage en Bretagne. Elle est très proche de sa sœur, sa cadette d’un an, son frère et du « petit dernier », né d’un second mariage.  

Durant toute sa vie d’enfant et d’adulte, elle a beaucoup déménagé dans différents quartiers de Nantes, mais le quartier qu’elle préfère de loin, c’est le quartier Longchamp-Sainte-Thérèse.  Elle y a construit des amitiés solides et y a ses habitudes dans les petits commerces.  

Elle a habité de nombreux logements au fil de son parcours de vie, célibataire, en couple ou maman solo. Forte tête, elle est habituée a prendre seule des décisions, elle a choisi ces dernières années de changer complètement de vie et de métier.  

Aujourd’hui, elle vient juste d’emménager en colocation avec une autre « mère solo ». Elle est arrivée avec ses deux filles, ses deux chats et sa chienne de grande taille, de la race des chiens de berger roumain des Carpates. Elle est contente de pouvoir enfin avoir une chambre à elle, et de ne plus dormir sur le canapé du salon.  

Lorsqu’on lui demande ce qui va compter pour elle cette année, Maelle pense tut de suite à sa vie professionnelle. Elle souhaite cette année faire des stages dans le domaine du social pour préparer ensuite l’entrée dans une école d’éducateurs spécialisés. Elle y avait déjà songé il y a des années, elle avait passé et obtenu l’écrit du concours puis elle est tombée enceinte et a laissé pour un temps cette aspiration de côté.  

Aminata

Aminata est née et a grandi en Côte d’Ivoire. Elle était très proche de son père qui meurt brutalement alors qu’elle est encore adolescente. Elle quitte la Côte d’Ivoire à 16 ans brutalement et dans des conditions tragiques. Après un long et difficile voyage, elle est arrivée à Nantes. Reconnue comme mineure, elle est aidée par une association et placée en foyer. Au lycée, elle passe en alternance un CAP cuisine, puis un CAP d’assistante comptable. Aujourd’hui, elle vit à Nantes dans un HLM et travaille comme assistante comptable dans une entreprise. Sa plus grande fierté c’est son fils, Lassina. Sa petite sœur vit encore en Côte d’Ivoire et elle aimerait beaucoup la faire venir auprès d’elle, mais pour l’instant, elle n’en a pas les moyens. Elle en est très triste car il serait très important pour elle d’avoir sa famille près d’elle. 

Lorsqu’on lui demande ce qui va compter pour elle cette année, elle pense à toutes les démarches administratives qu’elle doit accomplir. Elle a passé le code et démarrera en novembre les leçons de conduite dans un stage accéléré. Elle a aussi commencé à rassembler les pièces nécessaires pour monter un dossier de demande de la nationalité française. Aminata a également rempli une demande de mutation pour changer de logement social, elle aimerait habiter un quartier plus tranquille et plus près de son travail et enfin pouvoir s’installer avec le père de Lassima.  

Cécile

Durant son enfance, Cécile a vécu avec ses parents et son petit frère en communauté à la campagne, du côté du Mans, habitant avec d’autres couples la ferme d’un château. C’était le temps de la liberté, des grandes parties de jeu avec les autres enfants. Puis à 9 ans, c’est une première rupture : elle part vivre du côté d’Alençon dans ce qu’elle qualifie de « grande maison bourgeoise ». Elle continue de beaucoup voyager avec son père à l’étranger : l’Amérique du Sud, l’Afrique… Elle découvre les autres et s’ouvre au monde. Quand son père meurt, elle n’a que 14 ans. Elle vit ses années d’adolescence en allant peu au lycée et en continuant à voyager. Elle aime se définir comme un « caméléon » qui s’adapte partout et qui assume ses choix, quitte à ne pas « entrer dans le moule ».  

Ses premières années professionnelles, elle les passe dans des hôtels de luxe s’occupant à organiser des voyages pour des grands comptes, vivant dans les chambres des palaces. Elle s’installe à Nantes quand elle rencontre le père de ses deux enfants. Elle décide alors de s’ancrer, de « fonder son nid ». Elle devient assistante maternelle surtout pour pouvoir veiller sur ses propres enfants. Après 8 ans, elle repart travailler à l’extérieur, en intérim d’abord. Elle découvre le monde des maisons de retraite avec ses contraintes budgétaires et managériales intenables. Alors mûri en elle l’idée de fonder sa propre entreprise de services à la personne qu’elle présente comme « à forte valeur ajoutée humaine ». L’idée se concrétise pendant le confinement et depuis la petite entreprise est devenue grande avec une quinzaine de salarié.es. « Moi je ne fais que ce que j’aime faire », aime-t-elle répéter dans un grand éclat de rire. 

Lorsqu’on lui demande ce qui va compter pour elle cette année, elle répond : arriver à recruter et fidéliser ses salarié·es pour pouvoir enfin se verser un salaire pour le travail qu’elle accomplit.

Nathalie

Née dans le Calvados, Nathalie en est partie à l’âge de 5 ans suite au divorce de ses parents. Elle mène une enfance joyeuse dans un quartier populaire, retrouvant son frère, ses copains et copines au pied de l’immeuble le soir et le week-end. A 12 ans, sa vie change lorsque sa mère emménage avec son compagnon propriétaire d’un restaurant routier. Le secteur de la restauration l’intéresse, elle en fera son premier métier mais avoir ses parents comme employeur s’avère très difficile. Très vite, à 17 ans, elle quitte le domicile familial pour suivre sa propre voie qui l’emmène de Montpelier, à Paris puis en Belgique ou elle rencontre son futur mari. Sa famille, son mari, sa fille et son fils, c’est ce qui compte le plus au monde pour elle. Elle y trouve sa force et cela lui a permis de surmonter de nombreuses épreuves, la mort de son frère et un accident qui l’immobilise plusieurs années.

Attachée plus que tout à son autonomie, elle a ré-inventé sa vie professionnelle plusieurs fois, toujours à la recherche de liens avec les autres et elle possède aujourd’hui sa propre entreprise de carterie. Nathalie est très entière dans la manière dont elle aborde la vie et engage ses émotions dans tout ce qu’elle fait. Elle dit oublier ses soucis chaque fois qu’elle pousse le portail de sa maison et y retrouve son mari, son chat, son poisson rouge et son jardin.  

Lorsqu’on lui demande ce qui va compter pour elle cette année, Nathalie pense à son entreprise de carterie qui a fêté ses un an en septembre. Lors de sa création, elle s’était dit qu’elle se laisserait deux ans pour voir si elle peut en vivre. Mais ajoute-t-elle aussitôt quoi qu’il arrive, elle avancera.

Lise

Lise est arrivée à Nantes il y a deux ans déjà, lors de son entrée en seconde à l’internat. Elle se rappelle qu’au début, ça lui faisait bizarre d’être entourée par des « gens des champs », elle, « une fille de la mer »…. Mais avec le temps, elle s’est habituée. Et maintenant, elle se sent comme chez elle à l’internat. Elle a réussi à emménager son petit coin à elle, et surtout elle y a rencontré des copines avec qui elle adore « connaître les potins ». L’internat c’est aussi le lieu où elle s’est formée aux premiers engagements militants, créant avec d’autres élèves une antenne locale des Mains violettes, un collectif de jeunes femmes qui mène des actions contre les violences faites aux femmes. 

Et quand elle y songe, elle aimerait même bien que cette année de Terminale ne s’arrête pas trop vite pour pouvoir profiter encore un peu de ce temps suspendu. Même si trop souvent, elle se sent rattraper par le monde sérieux des adultes – celui des profs et de ses parents – qui bruisse d’autres mots : parcoursup, orientation post-bac, choix d’un métier…  

En attendant le saut dans le grand vide, elle fait la route vers la côte Vendéenne tous les week-ends, pour retrouver sa chambre, ses parents et son petit frère.  Son grand-frère, lui, est déjà lancé dans des études d’ingénieur à Lorient, alors elle le voit moins souvent, même si cette distance les a finalement rapprochés, reconnaît-elle. Et quand elle a un peu de temps pour elle, elle s’enferme dans sa chambre et s’adonne à l’un de ses passe-temps favoris : se marrer en regardant des vidéos sur Tik-tok. 

Quand on lui demande ce qui va compter pour elle cette année, Lise répond qu’elle a surtout pas envie de répondre le bac et qu’au contraire elle a plutôt l’intention de prendre la vie au jour le jour. Pour le moment ce qui l’intéresse c’est l’élection des délégué·es de sa classe.

Enora

Ce qu’Enora aime par-dessus tout, c’est faire le tour de son jardin avec Mystère, sa chatte grise un peu farouche.  Elle parle aux plantes, s’arrête devant l’étang et aime profiter des derniers rayons du soleil… Ce bout de terrain, c’est « son jardin », son « rêve de petite fille qui a grandi en HLM ». Elle l’a acheté il y a quelques années pour 10 000 euros, cash. Elle y a d’abord installé sa caravane dans laquelle elle a vécu quelques temps, mais très vite elle a su qu’elle y installerait son « chalet ». En 15 jours, avec l’aide d’un ami menuisier, elle monte les planches et le toit : une petite pièce de 18 m2 tout confort avec coin lit et coin cuisine. Les panneaux solaires fournissent assez d’électricité pour recharger le téléphone et l’ordinateur. Pour la douche, c’est dans le cabanon situé à l’extérieur, à l’eau de pluie, ou à la salle de sport.  

Depuis qu’elle s’est installée dans ce hameau situé dans la campagne du Nord de Nantes, Elle travaille à mi-temps en tant qu’aide à domicile aux alentours. A 38 ans, faire le choix de cette « vie minimaliste », comme elle dit, c’est être en accord avec ce qui compte le plus pour elle : vivre au plus proche de la nature et prendre le temps… de prendre le temps. Et comme ses plus proches voisins sont les moutons du champ d’à côté, elle peut écouter et jouer de la musique TRÈS TRÈS fort ! Et ça elle adore aussi ! 

Lorsqu’on lui demande ce qui va compter pour elle cette année, Enora répond accompagner sa mère jusqu’au bout de sa vie puis vivre son deuil.